lundi, 10 septembre 2007
Les beaux quartiers (Aragon - 3)

Voilà que là-dessus, quand il n'y avait plus de chance que la vie changeât, l'amour était tombé là-dedans : ce petit gosse sentimental, ce Pierrot avec son beau museau pas joli, ses seize ans, et distingué, le fils d'un professeur, la tête toute farcie de poésies, qu'on ne comprenait pas toujours, mais où c'était plein de baisers, d'étoiles, de fleurs, de serments pour la vie. Un gamin propre, avec un corps si jeune, et fort, et sentimental et qui l'appelait ma femme, ma femme, comme s'ils avaient passé devant le maire et le curé. Et il disait qu'il l'aimait et ce mot n'était pas du tout usé, ni pour lui ni pour elle : lui parce que c'était la première fois qu'il mentait, et encore pas sûr qu'il mentait, et elle... On n'avait même jamais fait semblant avec elle. Mets-toi là, Angélique, ma grosse... Le petit, il fermait les yeux en disant : Je t'aime. Angélique y pensait tout le temps, en nettoyant les deux boutiques, en vidant les ordures du vieux, dans les bras de M. Eugène. Ah ! maintenant, qu'est-ce que tout cela faisait ? Elle était heureuse, heureuse, malgré les difficultés, les minutes volées pour se voir, le danger des billets passés en cachette, de longs jours parfois sans pouvoir s'embrasser ; et aussi comme elle était bête pour ce qui était d'écrire, elle savait à peine, et elle faisait des fautes dont il riait gentiment. Elle aurait voulu trouver des mots, comme dans les poésies qu'il lui lisait, et elle n'arrivait qu'à griffonner, en tirant la langue : Deux mains seuleman, hi va anvill. Grosse bize a mon Pierrot. - Angélique.
Armand plaisantait Pierre sur l'orthographe. Mais pas trop. Il y avait des choses qu'il respectait ce Méphistophélès. "Elle a huit ans de plus que toi, et qu'est-ce que vous ferez si vous avez des enfants ? - je ne sais pas, répliqua ce jeune irresponsable, mais imagine-toi, elle maime pour de vrai : hier, elle m'a mordu."
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jeudi, 06 septembre 2007
Le fou d'Elsa (Aragon - 2)

Nous dormirons ensemble
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensembles
C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble
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dimanche, 02 septembre 2007
Blanche ou l'oubli (Aragon - 1)

Sois rassuré AgentBen, je n'ai pas déserté listesratures, j'ai surtout lu (et vécu un peu aussi)... Cela étant fait (et à refaire), je me "virtualise" de nouveau et reprend par la découverte d'un autre auteur, Monsieur Louis Aragon. Nous commencerons donc par ici :
"Pourquoi ? C'était une rencontre de hasard, je croyais être épris d'une danseuse, imaginez-vous, d'une danseuse. Ce qu'il y a, avec Blanche, avec le souvenir de Blanche, tous les souvenirs que j'ai de Blanche, comme celui-là douze ans avant Javerlhac, tout y est en blanc et noir, sauf elle : toute la couleur est, toutes les couleurs sont pour elle. J'ai souvent pensé qu'on n'a inventé les fleurs que par une sorte de prévision qu'on avait, qu'un jour il y aurait Blanche. Les couleurs qui se posent sur ses mains, ou quand elle tourne la tête, là, le long du cou, de sa petite oreille en descendant, ce ne sont pas à proprement parler des couleurs, mais une palpitation de la lumière. Sa petite oreille, à propos : si je connaissais la couturière qui a ourlé ça, toute ma vie a été changée par la perfection de cette petite oreille-là. Elle a des avant-bras minces, enfantins. Ca n'a pas changé avec l'âge. Je n'ai jamais cessé de m'étonner, les remontant avec mes mains, quand je passais le coude, ce ce que les bras, là-haut, devenaient, vers la rondeur de l'épaule, des bras sans rapport avec ce qu'on vient de caresser, des bras fantastiquement féminins, doux, tellement faits pour m'entourer, me tenir, me retenir, tout près, tout près d'elle."
Je m'arrête là parce qu'il faut bien s'arrêter quelque part, même si ça n'a aucun sens. Lire un extrait d'Aragon, de toute façon, n'a aucun sens. C'est comme acheter un bouquet de tiges, comme une bougie sans mèche, comme Elsa sans son fou. Absurde.
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jeudi, 24 mai 2007
Quai de Béthune
Connaissez-vous l'île
Au coeur de la ville
Où tout est tranquille
Eternellement
L'ombre souveraine
En silence y traîne
Comme une sirène
Avec son amant
La Seine profonde
Dans ses bras de blonde
Au milieu du monde
L'enserre en rêvant
Enfants fous et tendres
Ou flâneurs de cendres
Venez-y entendre
Comment meurt le vent
La nuit s'y allonge
Tout doucement ronge
Ses ongles ses songes
Tandis que chantant
Un air dans le noir
Est venu s'asseoir
Au fond des mémoires
Pour passer le temps
Et le vers qu'il scande
- L'amour qu'il demande
Le ciel le lui rende -
Bat comme le sang
Est-ce une fenêtre
Qui s'ouvre et peut-être
On va reconnaître
Au pas le passant
Est-ce Baudelaire
Ou Nerval un air
Qui jadis dut plaire
A d'anciens échos
Vienne le jour blême
Montrant qui l'on aime
Rendre son poème
A Francis Carco.
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dimanche, 04 février 2007
Parti pris
Parti-pris
Je danse au milieu des miracles
Mille soleils peints sur le sol
Mille amis
Mille yeux ou monocles m'illuminent de leurs regards
Pleurs du pétrole sur la route
Sang perdu depuis les hangars
Je saute ainsi d'un jour à l'autre
rond polychrome et plus joli qu'un paillasson de tir
ou l'âtre quand la flamme est couleur du vent
Vie ô paisible automobile et le joyeux péril de courir au devant
Je brûlerai du feu des phares.
Aragon (Feu de Joie)
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vendredi, 08 décembre 2006
Le goût de l'absolu

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